Le 21 juin 1943, Jean Moulin, Chef du Comité National de la Résistance, était arrêté par la Gestapo à Caluire et Cuire, sur les hauteurs de Lyon. Place des arts revient sur le parcours de l’ancien préfet révoqué par Vichy et auteur de Premier combat, son journal publié en 1947.

Jean Moulin, un serviteur brillant de l’État : 

Né à Béziers le 20 juin 1899, Jean Moulin effectue avant la seconde guerre mondiale une carrière professionnelle bien remplie  dans l’administration préfectorale.

En 1917, il débute  en tant que sous-chef de cabinet du préfet de l’Hérault. À seulement 26 ans, il devient le plus jeune sous-préfet en Savoie.

Par la suite, il sera sous-préfet  dans le Finistère, en Haute-Savoie, et dans le Loiret, avant de devenir secrétaire général de la préfecture de la Somme.

Il devient le plus jeune préfet de France, en étant nommé dans l’Aveyron, à l’âge de 38 ans.

En 1939, il est en Eure-et-Loir. Il s’agit de sa dernière affectation.

Premier combat, journal de l’honneur :

Le 17 juin 1940, les troupes allemandes sont dans Chartres.  Des officiers de la Wehrmacht, exaspérés par la résistance des troupes françaises, essentiellement composées d’unités coloniales, entre Rambouillet et Chartres, tentent de faire signer au jeune préfet, sous la contrainte et au nom de l’Etat français, un document accusant à tort les tirailleurs du 26e Régiment de Tirailleurs Sénégalais du massacre de civils, femmes et enfants bombardés le 14 juin par l’aviation allemande. Le préfet refuse de signer le document. Il est battu et emprisonné à la conciergerie de l’hôpital de Chartres ou il tente de se suicider en se tranchant la gorge.

Soigné, rétabli, il assiste à la mise en place de l’administration de l’État français qui le considère rapidement comme « un fonctionnaire de valeur mais prisonnier du régime ancien », il est révoqué le

Il retourne dans sa maison familiale située près d’Avignon. Il y rédige son journal, premier combat, et explique dans le détail sa conduite et les événements qui l’ont conduit à résister à l’envahisseur.

Pendant sept heures j’ai été mis à la torture physiquement et mentalement. Je sais qu’aujourd’hui je suis allé jusqu’à la limite de la résistance. Je sais aussi que demain, si cela recommence, je finirai par signer. (…)
Et pourtant, (…) je ne peux pas être complice de cette monstrueuse machination(…). Je ne peux pas sanctionner cet outrage à l’Armée Française et me déshonorer moi-même(…).

Jean Moulin souhaite également gagner les rangs de la résistance. Il entre en contact avec Henri Frenay, responsable du mouvement de Libération nationale et Antoinette Sachs qui deviendra sa secrétaire.

Photo d’identité de Jean Moulin avec lunettes et moustache sous le nom de Joseph Mercier – Romainbehar — Travail personnel

En septembre 1941, il rejoint Londres via l’Espagne et le Portugal, muni d’un faux passeport établi au nom de Joseph Jean Mercier. Après avoir soumis un Rapport sur l’activité, les projets et les besoins des groupements constitués en France en vue de la libération du territoire national aux autorités britanniques et au général de Gaulle, il est reçu par le chef de la France libre et lui dresse l’état de la Résistance en France et de ses besoins, notamment financiers et en armement. Il devient le délégué civil et militaire pour la zone libre du locataire de Carlton Gardens, siège des forces françaises libres à Londres.

En 11 mois, il œuvre à la coordination et l’unification des réseaux dispersés de la résistance et organise « l’armée secrète ».  Puis en 1943, il met en place et devient le chef du Conseil National de la Résistance. Le 21 juin, il est arrête par Klaus Barbie, responsable de la Gestapo à Lyon. 

Max, pur et bon compagnon de ceux qui n’avaient foi qu’en la France, a su mourir héroïquement pour elle. Le rôle capital qu’il a joué dans notre combat ne sera jamais raconté par lui-même mais ce n’est pas sans émotion qu’on lira le journal que Jean Moulin écrivit à propos des évènements qui l’amenèrent, dès 1940, à dire non à l’ennemi. La force de caractère, la clairvoyance et l’énergie qu’il montra en cette occasion ne se démentirent jamais. Que son nom demeure vivant comme son œuvre demeure vivante !

Général De Gaulle – préface du journal de Jean Moulin

L’arrestation de Max :

L’arrestation de Jean Moulin, alias Max a généré des suspicions et des polémiques. A-t-il été trahi et par qui ?

Ainsi, René Hardy, présent à Caluire,  au domicile du Docteur Dugoujon, alors qu’il n’était pas convié, est arrêté puis relâché par la Gestapo quelques jours auparavant. Il est le seul à s’évader de la maison, n’étant pas menotté mais ayant  juste les poignets entravés sommairement. Après la guerre, René Hardy est accusé d’avoir dénoncé Jean Moulin et comparait lors de deux procès à l’issue desquels il est acquitté.

Une autre thèse a vu le jour. Le 19 juin 1943, Jean Moulin prit contact avec un agent de l’OSS, ancêtre de la CIA, Frédéric Brown. Ce dernier avait noué une relation amoureuse avec une femme qui était liée avec un officier allemand.  Elle était étroitement surveillée par la Gestapo dans ses faits et gestes, selon Jacques Baynac, Jean Moulin aurait fait l’objet d’une filature serrée durant les 48 heures qui précédèrent son arrestation (1). 

Torturé lors de ces interrogatoires, Jean Moulin ne révèle aucune information concernant le Conseil National de la Résistance. Barbie, voulant obtenir des noms et des adresses, lui passe un crayon et du papier. Jean Moulin fait mine d’acquiescer. Il griffonne un instant. Son tortionnaire lui arrache la feuille et il éclate de fureur : c’est sa propre caricature qu’il voit.

D’après le témoignage de sa sœur, Laure Moulin (2).

Jean Moulin était un excellent dessinateur et caricaturiste. Il a réalisé de nombreuses œuvres picturales qu’il signait sous le pseudonyme « Romanin ».  

Il  succombe à ses blessures, probablement le 8 juillet 1943 en gare de Metz dans le train qui l’emmène en déportation.

L’hommage de la Nation :

Le 19 décembre 1964, les cendres de Jean Moulin sont transférées au Panthéon. André Malraux , ministre des Affaires culturelles, prononce l’oraison funèbre empreinte d’émotion au cours de laquelle Jean Moulin devient « le symbole » de l’héroïsme français, de toute la Résistance à lui seul en l’associant à tous les résistants français, héros de l’ombre, connus et inconnus, qui ont permis de libérer la France au prix de leur souffrance, de leur vie et de leur idéologie de liberté. Ce discours est souvent considéré comme un des plus grands discours de la République française. 

(1) Les Secrets de l’affaire Jean Moulin, Le Seuil, 1998.

(2) Jean Moulin, Presses de la Cité, Paris, 1982

>>Place des Arts vous propose des livres et un film sur Jean Moulin :

Film :

  • Lucie Aubrac

Livres :

  • Vies et morts de Jean Moulin – Auteur Pierre Pean
  • Présumé Jean Moulin (17 juin 1940 – 21 juin 1943) – Auteur Jacques Baynac
  • Jean Moulin, La république des catacombes – Auteur Daniel Cordier
  • Jean Moulin, l’inconnu du Panthéon – Auteur Daniel Cordier
  • La diabolique de Caluire – Auteur Pierre Péan
  • Vies et morts de Jean Moulin – Auteur Pierre Péan

 

Mise à jour : 2 août 2024