25 juin 2020. Sartrouville en région parisienne. Il fait très beau et Marc Lebreton nous reçoit dans son jardin. Notre entretien ne sera troublé que par le chant des oiseaux et le passage régulier des RER…

Place des Arts: Marc Lebreton Bonjour.
Marc Lebreton Bonjour.
PdA: Lebreton, peut être des origines bretonnes ?
ML : Sans doute, mais pas d’ancêtre que je connaisse. Donc ça doit remonter trop loin pour que je le sache vraiment.
PdA: D’accord, donc, on dit en région Parisienne. Vous avez 60 ans…
ML : Je vais bientôt les avoir.
PdA:, Vous travailler dans une direction du ministère des Finances ?
ML : Oui, la direction générale des entreprises,

Des premières velléités…

PdA: Comment vous est venue l’idée d’écrire ?
ML : En fait, c’est un vieux rêve que j’avais depuis l’enfance. Un rêve que je n’avais jamais concrétisé. Et il y a 4 ans, j’ai un ami québécois qui était à Paris et qui m’a dit : « Tu sais ce que je fais demain ? Je vais voir un éditeur ». Et puis, quelques mois plus tard, il m’a envoyé son premier roman. Je l’ai lu et quand je l’ai terminé, je me suis dit :  si lui peut le faire, moi, je peux le faire aussi et du coup, je me suis lancé dans l’aventure.
PdA: Je me demande si vous ne nous faites pas des petites cachotteries;  parce que mon petit doigt m’avait dit un moment que vous aviez eu des velléités d’écrire bien avant…
ML : Effectivement. Vers la trentaine, j’avais commencé à écrire quelque chose. J’avais écrit les deux premiers chapitres, j’avais bien défini mes personnages. C’était sur un sujet qui était totalement différent. Et puis finalement, j’ai fait un autre choix, celui d’une reconversion professionnelle. Je me suis lancé dans des cours du soir pendant, cinq années. Et du coup, j’ai perdu de vue ce projet-là.
PdA: Vous aviez quand même cette envie d’écrire ?.
ML : J’aurai parlé de velléités. J’ai toujours eu cette envie, mais je n’étais jamais passé à l’acte Juste avant la soixantaine.
PdA:. Quelles sont vos lectures ? Vous êtes un gros lecteur ?
ML : J’ai été un gros lecteur. Quand j’étais jeune, je lisais beaucoup. Quand j’étais très jeune, je lisais beaucoup d’aventures, de science-fiction… Après, j’ai eu des lectures classiques. Mais quand je me suis lancé dans mon projet de reconversion professionnelle, cela m’a demandé beaucoup d’efforts ; et le principal sacrifice que j’ai fait, cela a été la lecture et la télévision. Donc, pendant plusieurs années, je n’ai beaucoup lu. Ensuite, je me suis remis à lire et je me suis alors tourné vers les biographies historiques, par exemple, j’ai beaucoup aimé le livre de Serge Lancel sur Annibal, puis des biographies sur Richelieu, sur Winston-Churchill, sur Napoléon,  sur un certain nombre  de personnages historiques….
PdA: Mais pas un gros lecteur de polar ?
ML : Non, pas du tout.

Des journées bien remplies

PdA: Maintenant, la question qui se pose. Vous avez un métier assez prenant. Est ce qu’il est facile d’allier un travail de cadre supérieur dans l’administration et d’écrivain ?
ML : Je voudrais dire en préambule que je ne me considère pas vraiment comme un cadre supérieur. Pour moi un cadre supérieur, c’est un administrateur civil; je suis attaché hors classe, donc c’est juste le niveau en dessous. Ensuite écrivain… A mon sens, on est écrivain quand on a écrit au moins trois ouvrages littéraires. Moi, j’en suis à mon premier. Je ne me qualifierais pas d’écrivain à ce stade.

Interview Marc Lebreton

C’est dans son jardin que Marc Lebreton répond aux question de Place des Arts

Cela étant, la question que vous posez est intéressante parce que malgré tout, écrire un roman, c’est un gros engagement. Ça m’a demandé beaucoup d’énergie. J’étais sur un poste depuis un certain temps et j’ai effectivement pris la décision de pas en changer pour rester dans une forme de confort intellectuel qui m’a permis de libérer mon énergie sur l’écriture. L’écriture du roman, c’était quelque chose que je faisais le soir en rentrant après mon travail ; ça me mobilisait entre une heure et deux heures par soirée; et j’ai fait ça presque tous les soirs pendant trois ans et demi.
PdA: Tous les soirs, une heure ou deux après le travail…
ML : Sans compter une partie de mes week-ends, sans compter une partie des vacances… Donc, en fait, ça s’est fait sur trois ans et demi, quatre ans.
PdA: Dans ce temps, on compte bien sûr le temps, de l’écriture elle-même le temps des recherches documentaires, de construction, de l’énigme, etc.
ML Tout à fait, oui.
PdA : Qu’est ce qui a pris le plus de temps : poser l’énigme, faire des recherches, des recherches techniques, puisque votre ouvrage est un peu de science-fiction, J’imagine que vous avez dû chercher des points précis techniques pour ne pas écrire trop de bêtises…Ou est-ce le temps de l’écriture elle-même qui est le plus long. ?
ML : Je dirais que la façon dont j’ai procédé, montre que j’avais une certaine inexpérience en la matière. Je sais qu’il y a des gens qui font des recherches avant de se lancer dans l’écriture. Moi, j’ai fait des recherches à mesure que j’avançais dans mon écriture. Ensuite, ce qui montre que je n’avais pas d’expérience, c’est le fait que j’ai créé une espèce d’ossature au départ, mais je n’ai pas suffisamment pris de le temps le faire. Je n’ai pas suffisamment caractérisé mes personnages et donc une fois que je me suis retrouvé en phase d’écriture, effectivement, il m’est parfois arrivé de buter sur des difficultés qui auraient normalement dû être levées si j’avais davantage préparé ma construction.
Donc, je pense que c’est l’écriture qui m’a pris le plus de temps avec la façon dont j’ai procédé. Elle a évolué au cours du temps. Elle a beaucoup évolué. Je me suis davantage organisé à mesure que j’avançais.

La solitude de l’écrivain…

PdAL’écriture reste un exercice solitaire ?
ML : Elle l’est en effet, au moins partiellement, car j’ai calculé que j’ai passé en moyenne entre 8 et 10 heures par semaine pendant 3 ans et demi. J’ai compté que cela avait représenté à la louche, environ 1 500 heures de travail, dont la plus grosse partie s’est déroulée seul devant mon écran.
Cependant, l’exercice ne s’est pas fait dans une solitude totale. D’entrée de jeu, j’ai pris le parti de soumettre mon projet, au fur et à mesure que j’avançais, à quelques personnes de confiance, et notamment à l’une d’elles, Brigitte Kandin, qui était confrontée à une situation personnelle difficile, et qui a eu la possibilité et l’envie, de consacrer du temps au projet. Cela signifiait qu’elle relisait plusieurs fois chacun des nouveaux chapitres que je lui soumettais et qu’en toute liberté, elle me faisait un retour, en me précisant ce qu’elle avait aimé et ce qui lui avait posé problème. Le résultat de cette interaction entre nous, ainsi qu’avec les autres personnes qui m’ont aidé, c’est que j’ai pu ajuster mon projet d’écriture en renonçant parfois à certaines parties qui pouvaient mettre en péril la cohérence d’ensemble, voire en réécrivant certains chapitres.
Ce que je retiens de cette collaboration, c’est que même si l’auteur reste maître du jeu, en acceptant les suggestions ou en les déclinant, un regard extérieur permet parfois d’éviter de se perdre, ce qui guette tous les auteurs je pense. Le processus de création est fragile, et pour les personnes qui accompagnent un auteur dans son projet, il faut trouver un juste équilibre entre encouragement et critique constructive. Pour l’auteur, il s’agit de trouver un équilibre symétrique entre acceptation de la critique et défense de ce qui lui tient à cœur.

« J’ai la mémoire qui flanche »

PdA: Vous venez d’achever ce premier roman, « Un plan maudit ». Il s’agit d’un thriller mâtiné de science-fiction médicale dans un monde quelque peu corrompu du lobbying. Vous travaillez au ministère des Finances. Est-ce que votre source d’inspiration vient de votre monde professionnel ?
ML : Ça vient en partie de mon monde professionnel, mais pas dans la carrière dans laquelle je suis actuellement.
J’ai travaillé dix ans dans l’administration pénitentiaire et si j’ai des inspirations, c’est dans cet univers là que je les ai eus. Finalement, je me suis projeté plutôt dans ce monde-là que dans celui que j’occupe actuellement.

PdA: Et vous n’avez pas été confronté au monde du lobbying au sein du ministère des Finances ?
ML : Non, pas au sein du ministère des Finances. C’est dans le cadre de mes lectures du « Monde » que j’ai constaté qu’effectivement, le lobbying s’exerçait puissamment sur les hommes politiques, sur le gouvernement, et dans un domaine en particulier, domaine dans lequel étais particulièrement sensible, celui de la protection de l’environnement et notamment sur tout ce qui se faisait en matière d’agriculture intensive. Je suis assez sensible à ce sujet-là et au travers de mes lectures dans la presse quotidienne nationale, j’ai pu voir qu’effectivement, les lobbies de l’agrochimie s’exerçaient puissamment sur les pratiques agricoles.
PdA:  Vous pratiquer la course à pied ?
ML : Oui, tout à fait.
PdA: Vous êtes un grand coureur ?
ML : Qu’est ce qui définit un grand coureur ? Je suis un coureur régulier. Je cours trois, quatre fois par semaine et je fais une grande course par an. J’ai commencé par des marathons et maintenant, je suis plutôt sur des trails entre 45 et 80 km.
PdA: Vous êtes plutôt un grand coureur… Des courses trois-quatre fois par semaine, en plus du travail, en plus de l’écriture, cela fait des bonnes journée…  
ML : (sourire)
PdA: Donc, vous êtes un grand coureur., Paul Verneuil, lui aussi est un grand coureur. Est-ce que l’on peut vous retrouver dans Paul Verneuil ?
ML : Vous pouvez retrouver des petites choses de moi dans Paul Verneuil, évidemment. Mais je n’ai pas souhaité en faire un personnage à mon image. En fait, vous allez trouver un petit peu de moi, finalement, dans l’ensemble des personnages, dans toute l’intrigue… Mais pas plus que ça dans Paul Verneuil. Je vais prendre un exemple : Il a une histoire difficile et il n’arrive pas à avoir d’enfant. Moi j’ai trois enfants et je suis très heureux de les avoir…Cela montre les limites d’une projection qu’on voudrait faire sur ce personnage.
PdA: Avez-vous une bonne mémoire ?
ML :  Alors justement, ça, en revanche, c’est un vrai souci que j’ai : je considère que je n’ai pas une très bonne mémoire. C’est vrai que c’est le point de départ de mon histoire.
PdA: Vous seriez prêt à vous faire greffer une puce encyclopédique dans le cerveau ?
ML : Justement, c’est la différence avec mon personnage. Paul Verneuil, lui, il l’a fait. Personnellement, vu les difficultés que cela engendre, j’aurais plutôt une certaine réserve. C’est la différence entre lui et moi.

De l’édition en ligne à l’édition audio

PdA: Votre livre est terminé en fin d’année…
ML : Oui, en décembre 2019
PdA: Vous l’avez mis en téléchargement sur la plateforme monbestseller.com. Pourquoi ce choix ?
ML : Ce n’est pas un choix que j’ai fait spontanément. Quand on a passé beaucoup de temps à écrire, on ne rêve que d’une chose, c’est de trouver un éditeur. Puis de retrouver son roman dans les librairies, de le voir se vendre. Donc, on ne pense pas spontanément à le mettre sur une plateforme qui permet un accès libre. Cette idée m’a été suggérée par quelqu’un qui travaille dans le monde de l’édition.

Un plan maudit : sur la plateforme de téléchargement

Un plan maudit : sur la plateforme de téléchargement

Finalement, j’ai décidé de suivre cette suggestion. Je l’ai fait et aujourd’hui, j’en suis très heureux. Parce que sur les 3 700 livres qui sont sur cette plateforme aujourd’hui, je suis classé cinquième. Ça c’est un premier point. Le deuxième point, c’est que les gens ont la possibilité de faire des commentaires sur cette lecture et ils ont la possibilité de me noter, d’évaluer en mettant entre une et cinq étoiles. Ils font un retour sur ce livre et aujourd’hui je dois avoir 26 ou 27 retours qui apportent un éclairage très intéressant de personnes qui se prononcent librement sur ce roman. Enfin, le dernier point pour lequel la mise à disposition sur cette plateforme peut être intéressante, c’est qu’un éditeur, peut être intéressé de savoir si ce roman, finalement, emporte l’adhésion, s’il entraîne le lecteur dans le plaisir ou pas, s’il a un certain succès.
PdA: « Un plan maudit » est classé 5ème sur la plateforme monbestseller.com,[Classé 5ème au moment de l’interview, Un plan maudit est classé  1er à la date de publication de cet article]. J’imagine que vous avez envie de donner une autre vie à votre roman ?
ML : Effectivement, la question qui se pose aujourd’hui, une fois qu’on a avancé sur la plateforme de téléchargement est qu’est ce qui se passe ? Est-ce qu’on attend, qu’il y ait un éditeur qui finisse par se signaler et qui montre son intérêt pour le roman ? Mais en ce moment, avec la crise sanitaire, je pense que les éditeurs doivent être dans une position difficile ; Ils doivent avoir des problèmes de trésorerie et peuvent hésiter de sortir un livre, c’est à dire assumer des coûts financiers qu’ils ne sont peut-être pas en mesure d’assumer en ce moment…. Donc globalement, pour l’instant, il ne se passe rien et les éditeurs ne me font pas signe… A partir de là, il faut effectivement essayer de bouger un peu.
Le prochain projet que j’ai pour « Un plan maudit », c’est d’en faire un livre audio. Je suis sur le point de signer un contrat. C’est Frédéric KNEIP, comédien qui enregistre des livres audios depuis une dizaine d’années qui prêtera sa voix. Je vais donc travailler avec lui par l’intermédiaire d’une productrice. Et normalement, si tout avance comme prévu, d’ici fin septembre, on devrait avoir un livre audio en ligne.
PdA: Sinon, vous ne l’envoyez pas à des maisons d’édition ?.
ML : Je l’ai déjà envoyé à un certain nombre de maisons d’édition. Mais pour l’instant, j’ai eu trois refus. Des refus souvent, expliqués par le fait que mon roman ne s’inscrit pas bien dans leur ligne éditoriale.
PdA: Est-ce que vous avez commencé à réfléchir à un prochain roman ?
ML : Sur le principe, oui, je me dis qu’il faut en écrire un.
Je devrais commencer à le faire le plus tôt possible, mais pour l’instant, honnêtement, je n’ai pas commencé parce que je crois que j’ai besoin de savoir ce qui va se passer avec ce premier roman. C’est cela qui va me motiver pour écrire le deuxième. Maintenant, j’ai effectivement une alternative en tête.
J’ai deux solutions qui s’offrent à moi, soit faire la suite de ce premier roman parce que l’intrigue est construite de telle manière qu’elle permet d’en faire une suite. Soit j’écris quelque chose de totalement diffèrent. « Un plan maudit » est un thriller et un deuxième roman pourrait être un vrai roman de science-fiction… Je n’ai pas encore pris ma décision, mais quand j’ai fait ce premier roman, j’ai pareillement jonglé avec deux, trois scénarios possibles et c’est cette liberté-là, qui m’a aidée, qui m’a été nécessaire pour mon projet d’écriture.
PdA: En tout cas, on constate que votre cadre de vie paisible se prête tout à fait à un travail d’écriture.
ML : Je n’ai pas écrit mon roman dans mon jardin. Je l’ai écrit dans deux pièces de ma maison qui sont toutes les deux toutes petites, Mais c’est vrai qu’avoir une vie rangée, profiter de la verdure, pouvoir s’évader avec la course à pied, ça m’a quand même aidé à construire ce projet d’écriture.
PdA: On souhaite bonne chance à « Un plan maudit » et à bientôt Marc Lebreton.

Crédits photo et vidéo : Place des Arts/Joël Coatmeur

Un plan maudit : liens utiles

Un plan maudit de Marc Lebreton

Mise à jour : 19 septembre 2021